Le gouvernement veut interdire les manifestations contre la loi travail sous prétexte des débordements qui les accompagnent. Une idée inapplicable et dangereuse, alors même que c’est l’Etat qui n’assume plus son rôle de garant de l’ordre public.
Les débordements à répétition sont avant tout de la responsabilité du gouvernement.
Le Premier ministre et le Président de la République ont déclaré vouloir interdire les manifestations contre la loi travail si les services d’ordres des syndicats organisateurs n’empêchaient pas les débordements.
Cette proposition est étonnante, alors que MM Valls et Hollande ne peuvent ignorer que juridiquement, c’est à l’Etat que revient le maintien de l’ordre public, y compris lors des manifestations. Les débordements à répétition sont donc avant tout de la responsabilité du gouvernement.
Rappeler ce principe essentiel, ça n’est pas faire un raccourci malhonnête pour rejeter gratuitement la faute sur le gouvernement, c’est rappeler le bon fonctionnement d’un État de droit.
Le rôle des services d’ordre de manifestation n’est pas de maintenir l’ordre public, mais de s’assurer du bon déroulement de la manifestation : organisation du cortège, puis son accompagnement sur le parcours, renseignement des participants sur l’organisation, lien avec les forces de l’ordre. Les membres d’un service d’ordre ne peuvent pas, ni matériellement ni légalement, interdire à des gens de participer à des manifestations, qui sont des événements publics se déroulant sur l’espace public. Ils peuvent encore moins intervenir pour maîtriser une situation qui dégénère. Ce qu’ils peuvent faire au maximum, c’est alerter les forces de l’ordre en cas de problème et tenter de le contenir en attendant leur intervention. En aucun cas ils ne peuvent les remplacer.
Déléguer des missions de maintien de l’ordre aux organisateurs des manifestations reviendrait à confier l’ordre public à une milice privée.
Déléguer des missions de maintien de l’ordre aux organisateurs des manifestations reviendrait à confier l’ordre public à une milice privée. C’est mettre à bas le principe de base de tout État de droit, où le monopole de l’usage de la force est confié à l’Etat pour empêcher la spirale de la violence de tous contre tous. Imaginons le cas où le maintien de l’ordre serait assuré par les organisateurs d’une manifestation : comment réagiraient des personnes non formées et non équipée face à une situation de tension ? On risque à coup sûr de voir la situation dégénérer en pugilat, voire tourner à l’affrontement incontrôlable, et peut-être même au drame.
Plutôt que de chercher à faire du buzz par des déclarations indignés de sa fonction, M. Valls devrait donc réfléchir aux méthodes mises en place par les forces de l’ordre lors des manifestations. Plutôt que de la mauvaise foi et des accusations infondées envers les syndicats, MM Hollande et Valls devraient assumer leurs responsabilités et agir. Même les représentants des forces de l’ordre en conviennent, les consignent qui leur sont données ne vont pas dans le sens d’un maintien de l’ordre efficace.
La stratégie de la tension telle qu’elle est pratiquée depuis le début du mouvement contre la loi travail est pire qu’inefficace, elle est dangereuse et délétère.
En matière de maintien de l’ordre, la France est à rebours complet de ses voisins européens. La pratique le montre, la seule méthode efficace en matière de maintien de l’ordre, c’est une approche pragmatique, qui passe par la recherche du désamorçage de la violence, en assurant une médiation bienveillante et une communication claire entre police et manifestants. La stratégie de la tension telle qu’elle est pratiquée depuis le début du mouvement contre la loi travail est pire qu’inefficace, elle est dangereuse et délétère. Dangereuse pour les manifestants, les force de l’ordre et les riverains. Délétère pour le dialogue social et pour les relations entre les citoyens et leur police.
Les forces de maintien de l’ordre françaises sont très bien formées, et sans aucun doute, ses responsables sont très au fait des réussites des techniques de maintien de l’ordre de nos voisins européens. Ses réseaux de renseignement connaissent très bien les individus et groupuscules impliqués dans les actions violentes. Le gouvernement possède donc les outils nécessaires pour mettre en place une politique de maintien de l’ordre efficace, qui permette de garantir à la fois l’ordre public, la préservation des biens et des personnes et la liberté de manifester.
La situation actuelle est donc très grave, et indigne d’une démocratie. Cette incapacité à assurer l’ordre public, la multiplication des épisodes violents et des blessés tant du côté des militants politiques que des forces de l’ordre relève soit de l’incompétence la plus crasse, soit d’une stratégie délibérée de pourrissement. Quel que soit le cas, c’est extrêmement inquiétant pour notre pays.
Un manque de compétence au sein des forces de l’ordre semble absolument improbable. Reste alors l’option d’une volonté politique délibérée de pourrissement. C’est une stratégie bien connue des régimes autoritaires : en cas de contestation sociale, utiliser tous les moyens pour provoquer et amplifier l’agitation et la violence, afin de légitimer la mécanique répressive de l’Etat, seul moyen d’assoir la légitimité d’un pouvoir fragile car ne tenant que sur la force et la coercition.
Je n’ose croire que des représentants démocratiques puissent s’abaisser à de telles méthodes pour tenter de garder le pouvoir.
Ou alors ce serait extrêmement grave.