Le licenciement par Véolia en Avril 2013 d’un salarié chargé de couper l’eau chez des usagers en cas d’impayés et dont l’audience aux prud’hommes a eu lieu jeudi dernier (16 janvier) au Palais de Justice d’Avignon a eu au moins un mérite : celui de mettre en lumière un des problèmes que pose le la délégation au privé d’un service public tel que l’eau.
En effet, Véolia se retrouve dans une situation qui, apriori, ne devrait pas être celle d’une entreprise privée, à savoir celle de devoir prendre la décision de priver une famille d’un bien essentiel, l’eau, lorsque celle-ci ne paye pas ses factures. L’entreprise se retrouve alors juge de la bonne foi des usagers.
La salarié licencié, Marc, avait refusé à de nombreuses reprises de couper l’eau de foyers qu’il jugeait de bonne foi mais en réelle difficulté financière alors que sa hiérarchie les considérait comme des mauvais payeurs. « Les gens n’étaient pas tous des mauvais payeurs, explique-t-il sur France Bleu. (…) Des fois, j’arrivais chez les gens, il n’y avait plus rien dans l’appartement, le frigo était vide et il y avait des enfants. Comment est-ce que vous voulez couper l’eau ? »
Comme le résume bien Marc, « on m’a dit souvent : on est plus là pour faire du social, on est là pour faire de l’argent. » Il n’est donc pas normal qu’une entreprise privée soit chargée de gérer le recouvrement d’impayés concernant un bien de première nécessité comme l’eau.
Confier la gestion de recouvrement d’impayés concernant un bien de première nécessité à des entreprises privées, c’est pourtant ce que prévoit le projet de loi ALUR, dont le débat en seconde lecture s’est achevé jeudi à l’Assemblée Nationale, avec la mise en place de la GUL, la Garantie Universelle des Loyers.
Si la GUL doit permettre de sécuriser les propriétaires face aux impayés de loyer en versant le montant du loyer en cas d’impayé et devrait ainsi permettre de convaincre les plus frileux d’entre eux de mettre sur le marché des logements qu’ils préféraient laisser vacants, on ne sait pas encore exactement ce qu’il adviendra au locataire une fois la GUL déclenchée.
Il faut en effet, comme dans le cas d’une facture d’eau, estimer si le locataire est de mauvaise foi (il a les moyens de payer et ne paie pas volontairement) ou de bonne foi (le locataire aimerait payer mais ne peut pas, à cause d’un accident, d’un licenciement, d’une séparation, etc..). Si le locataire est de bonne foi, il faudrait l’aider à échelonner les paiements ou l’orienter vers un logement moins cher, plus adapté à ses revenus. Si, au contraire, le locataire est de mauvaise foi et refuse de payer, son dossier devrait être transmis à l’administration fiscale qui transformerait alors la dette locative en dette fiscale et procéderait au recouvrement.
C’est ce que prévoit le projet de loi (voir ALUR sur le site du Ministère du Logement).
Le problème vient du fait que pour des raisons budgétaires (ou d’idéologie néo-libérale), la gestion de la GUL ne sera pas confiée à un organisme public ou parapublic comme la Caisse des Allocations Familiales mais fera l’objet d’un appel d’offre auquel n’importe quel organisme privé ou parapublic pourra candidater.
Outre les conflits d’intérêts qui pourraient naître si la gestion de la GUL se retrouvait confiée à des entreprises ayant des intérêts dans le domaine du logement (bailleurs immobiliers, agences immobilières, promoteurs, etc..), on risque de se retrouver dans la même situation qu’avec Véolia, c’est-à-dire avec une entreprise qui, pour des raisons économiques, préférera sûrement « faire de l’argent » plutôt que de « faire du social ».
En septembre dernier, lors d’une réunion de consultation organisée par le Ministère du Logement, plusieurs organisations de jeunesse, dont les Jeunes Écologistes, avaient émis leurs réserves sur le fait que la gestion de la GUL puisse être confiée à un organisme privé. Elles n’ont malheureusement toujours pas été entendues.