Opinion

Lettre ouverte à Manuel Valls

Cher Monsieur le ministre de l’Intérieur, 

Cher M. Valls,

Quand M. Hollande a été élu, je me suis dit que ça changerait peut-être un peu les choses dans la société française, même si je dois avouer que je n’étais pas très optimiste. Mais au moins, je me suis dit que la gestion des hommes et des femmes en France serait plus humaine.

Quand M. Hollande vous a nommé ministre de l’Intérieur, je me suis dit qu’au moins, la droite ne pourrait plus accuser la gauche d’être angélique et que, peut-être, nous pourrions enfin appliquer une politique de l’Intérieur de gauche. Mais je dois aussi avouer que j’ai été un peu inquiète, connaissant certaines de vos positions.

Quand vous avez annulé la circulaire Guéant sur l’accueil des étudiants étrangers juste après votre entrée au ministère, j’y ai vu un signe positif et j’ai été contente d’avoir voté pour M. Hollande au deuxième tour. Toutefois, j’aurais voulu qu’on aille plus loin et que l’on offre de bonnes conditions à ces étudiants pour étudier et notamment une simplification de leurs démarches administratives et un visa pendant la durée de leurs études.

Quand fin 2012, nous nous sommes rendu compte que vous alliez continuer sur la même lancée que M. Sarkozy en ce qui concerne les expulsions, j’ai perdu confiance en vous comme ministre humaniste de gauche. Avec les Jeunes Écologistes, nous avons même proposé de vous offrir une carte de membre de l’UMP « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». De cette citation vous n’avez visiblement retenu que la première partie et oublié la fin de M. Rocard : « mais elle doit en prendre sa part » ! Nous avons le devoir, en tant qu’êtres humains, de ne pas oublier que nous aurions pu naître autre part que dans notre chère France qui reste malgré tout un pays riche avec un système d’entraide fort. Nous avons le devoir, en tant qu’habitants d’un pays industrialisé qui a pollué durant les deux cents dernières années, d’aider les pays qui subissent de plein fouet le réchauffement climatique, ainsi que les réfugiés climatiques qui sont chaque jour de plus en plus nombreux. Nous avons le devoir, en tant qu’habitants de la Terre, de ne pas protéger égoïstement notre situation mais de la partager avec nos frères et sœurs des autres pays.

Aujourd’hui, un texte qui se trouvait depuis longtemps sur le site de votre ministère vient d’être supprimé. Nous ne pouvons que nous en réjouir. En effet, ce texte, à destination des femmes, avait pour but de les aider à se protéger, parce que, « en raison de leur sexe et de leur morphologie, les femmes sont parfois les victimes d’infractions particulières ».

M. le ministre de l’Intérieur, connaissez-vous le principe de la « culture du viol » ? Non ? L’idée principale de cette théorie est que nous sommes dans une société qui autorise les hommes (majoritaires chez les violeurs) à violer et qui considère les femmes comme responsables de cet état de fait. Pourtant, M. le ministre, vous avez suivi le séminaire interministériel de Mme Vallaud-Belkacem sur l’égalité femmes-hommes ? Oui ? Alors pourquoi écrire un texte officiel qui rejette encore une fois la faute des agressions sur les femmes ?! Ce n’est pas aux femmes d’avoir peur ! C’est aux agresseurs d’avoir peur ! Une étude a montré que les femmes passaient moins de temps que les hommes dans l’espace public. C’est parce qu’on nous inculque dès notre plus jeune âge l’idée que les femmes sont des proies et les hommes des prédateurs. C’est le résultat du fait que l’on demande aux jeunes filles de rentrer plus tôt et de « faire attention ». C’est le résultat du fait que l’on propose aux jeunes femmes de les raccompagner « parce que tu comprends, il est tard et c’est dangereux pour une femme ».

Revenons-en aux faits. Nous sommes en 2013 en France. Nous sommes dans un pays où 70 % des violeurs sont des personnes connues de leur victime (parents, amis, collègues, …). Nous sommes dans un pays où, contrairement à ce que veulent nous faire croire la droite et l’extrême-droite, la violence n’explose pas.

Mais nous sommes dans un pays où l’on continue de dire aux femmes, par la parole officielle ( ! ), qu’elles doivent avoir peur quand elles sortent dans la rue. Que c’est à cause de leur nature qu’elles doivent craindre des violences. Il n’y a pas de plus grande violence envers les femmes que de leur dire que c’est à cause de leur nature, qu’elles vont être violées, harcelées, agressées. Les agressions sont la faute des agresseurs, des violeurs. C’est à eux qu’il faut dire de ne pas agresser ou de ne pas violer. Notre société a la responsabilité d’éduquer sa jeunesse pour qu’elle se respecte et qu’elle ne s’agresse pas. Et non pas de dire aux filles de faire attention (ou de ne pas boire ou de ne pas mettre une jupe courte).

Et vous, M. Valls, vous devriez avoir l’honnêteté de dire à toutes les femmes de France que non, elles ne sont pas les coupables, mais bien les victimes. De dire à tous les agresseurs et violeurs de France d’avoir peur parce qu’ils ne resteront pas libres et seront poursuivis par la justice.

Je me réjouis de voir que ce texte a disparu. En revanche, vous auriez du peut être laisser les conseils en cas d’agression. Cette partie-là, vous pouvez la sortir à tous vos meetings, à toutes vos sorties sur le terrain. Que les femmes (et les hommes) violées, agressées, harcelées aillent porter plainte, qu’elles gardent des preuves et qu’elles aillent au commissariat où elles seront reçues avec toutes les précautions qu’il faut et qu’on les écoute et les croit. Et qu’il n’y en ait pas une qui rentre chez elle sans avoir eu le sentiment que, oui M. le ministre de l’Intérieur, vous les protégerez avec la même ardeur que vous mettez à protéger nos frontières et à expulser des personnes qui essaient juste d’avoir une vie meilleure.

 —

Lucile Koch-Schlund

 

Pour vous aider dans votre travail, voici quelques propositions des Jeunes Écologistes :

– Offrir un visa de la durée des études pour les étudiants (3 ans pour une licence, renouvelable 2 ans pour poursuivre en master) facilement

– Accueillir tous les demandeurs de visas et de cartes de séjour dans des conditions respectables (possibilité de prendre rendez-vous, d’attendre au chaud, de pouvoir dénoncer auprès de la hiérarchie des fonctionnaires qui n’ont pas un comportement digne)

– Donner aux personnes ayant une carte de séjour la possibilité de retourner dans leur pays pour des vacances

– Mettre en place dans tous les commissariats de France (et Navarre !) un/une responsable pour l’accueil des personnes violées/agressées. Cette personne sera responsable d’accueillir les femmes et les hommes avec le respect qui leur est dûe et de bien expliquer la démarche aux victimes

– Mettre en place une procédure pour qu’en cas de violences conjugales, la victime puisse rester à son domicile et que ce soit à l’agresseur de le quitter

– Mettre en place la réforme judiciaire de Mme Taubira

– Ne plus se baser sur la politique du chiffre pour les expulsions du territoire

– Toujours proposer une solution pérenne de relogement en cas d’expulsion pour campement illégal

– Mettre en place une grande campagne sur la prévention du viol avec comme base : la prééminence du consentement explicite (si pas de consentement explicite, c’est un viol), « ne sois pas cet homme-là », et avec l’aide de vos collègues de l’Éducation Nationale et de l’Enseignement Supérieur une campagne d’éducation à la sexualité, à la sensualité et à la prévention du viol.

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