Est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ? D’où tu viens, tes études, ton parcours…
Bernardo : je viens du Venezuela, je suis le directeur général de la jeunesse du parti vert vénézuélien. La condition politique là-bas est très chaotique, c’est une dictature autoritaire, et militariste.
Pourquoi as-tu choisi de venir en Europe, en France ?
Je suis venu en Europe parce que les lois européennes sont plus adaptées à ma situation. En France, j’ai de la famille et des contacts parmi les associations écolos.
Pourquoi as tu pris la décision de partir, le mois dernier ?
Cette décision de partir du Vénézuela, c’est à cause de la situation politique et économique là-bas. C’est impossible de se garantir un futur stable, quand on est jeune. Et personnellement, je suis le chef d’un groupe important d’étudiant.e.s que la police militaire cherche à détruire.
En effet, nous avons été confrontés à une situation ou les étudiant.e.s se faisaient tirer dessus par la police, et j’en connais d’ailleurs qui sont morts pendant les émeutes qui ont eu lieu il y a trois ans. De plus, le principal leader d’un des principaux partis d’opposition est dans une prison militaire -pas civile, hein-, en ce moment.
Selon toi, est-ce que la situation politique au Venezuela peut s’arranger, ou risque d’empirer?
Ça va être de pire en pire, je pense. D’abord, la conjoncture économique est juste désastreuse : un euro vaut 3 300 Bolivar Fuerte, et deux salaires de cadres équivalent à 40 euros, comme c’est le cas pour mes parents. De plus en plus de gens sont envoyés en prison pour des motifs politiques, et celle qui succédera au président actuel est la fille d’Hugo Chavez.
La justice est clairement entre les mains de l’armée, et cette ambiance dictatoriale est appelée à encore empirer !
Est-ce que tu as des projets en France ? Comptes-tu retourner au Venezuela ?
Pour l’instant, j’ai prévu de faire ma vie en France, puisque la situation n’a pas l’air de s’arranger. Pour tout dire, les seuls débouchés pour une personne de l’opposition sont de finir en prison. Je vais donc finir mes études, puis essayer de trouver un boulot en France ou ailleurs en Europe.
Est-ce que tu as gardé contact avec des gens restés au Venezuela ?
Bien sûr, je continue de parler avec les leaders du parti écolo, et avec d’autres activistes d’autres partis et d’ONG. Même si j’étais en Chine, ou à l’autre bout du monde, j’aurais gardé des liens avec eux !
Est-ce que d’autres personnes ont fui le Venezuela pour la France, ou pour d’autres pays ?
Oui, j’en connais surtout en Colombie, en Argentine, aux Etats-Unis, en Allemagne, aux Pays-Bas et en France. Le choix du pays dépend surtout du lien que tu as avec. Par exemple, moi, c’est parce que j’ai de la famille en France. Pour d’autres personnes, c’est parce qu’ils y ont des connaissances, ou parce qu’ils connaissent mieux la langue.
Et qu’est-ce que tu étudiais, là-bas ?
J’ai étudié l’informatique et la chimie, et je venais de commencer un cursus de sciences politiques. Ici, c’est ce que je préférerais faire, avec de l’informatique.
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Chronologie de l’histoire récente du Venezuela vue par Bernardo :
1999 : première élection d’Hugo Chavez à la tête du pays
2002 : grève générale de la compagnie pétrolière du pays. A la fin du mouvement social, Chavez renvoie tout le monde pour recruter de nouvelles personnes, accentuant la main mise de l’Etat sur les ressources pétrolières.
2007 : premier mouvement étudiant contre un amendement de la constitution (prévoyant notamment la réélection indéfinie de Chavez -jusqu’à sa mort, donc-, nationalisation de la banque centrale et des entreprises, centralisation du pouvoir. Chavez perd le référendum, et la répression policière des étudiant.e.s commence à ce moment.
2009 : émeutes étudiantes contre des décisions parlementaires.
Depuis 2010 : manifestations massives, grèves universitaires. Au total ce seront sept émeutes massives que connaîtra le pays depuis 2011, et notamment depuis la marche de mars 2015. Caracas, la capitale, a été bloquée par deux fois durant deux semaines en 2013 et 2014.
2015 : élections parlementaires gagnées par l’opposition, mais sans effets politiques, les instances de contrôle dépendant du gouvernement.
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Merci à Bernardo
Interview réalisée par Aurélien & Anna