Le 13 novembre dernier, CNN a diffusé un reportage montrant des migrant⋅e⋅s entassé⋅e⋅s dans des centres de rétention, battu⋅e.s et humilié⋅e⋅s et même vendu⋅e⋅s aux enchères en Libye.
Cette vidéo a provoqué une prise de conscience qui a abouti à l’ouverture d’une enquête, qui, nous l’espérons, permettra enfin de faire la lumière sur les atteintes aux droits fondamentaux dont sont victimes les migrant⋅e⋅s.
Toutefois, cette prise de conscience en amène une autre, à savoir que les gouvernements qui dénoncent actuellement ces actes inhumains ont fait la sourde oreille pendant plusieurs mois, malgré les alertes des ONG et des personnalités politiques.
En effet, en avril dernier l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) dénonçait des « marchés aux esclaves » en Libye puis a informé deux mois plus tard les Nations Unies de « cas de torture commis » dans ce pays.
En octobre, c’est au tour du Haut-Commissariat de l’ONU pour les Réfugié⋅e⋅s (HCR) de dénoncer des cas de travail forcé et d’exploitations sexuelles.
En dépit de toutes les alertes, les ministres des affaires étrangères de l’Union Européenne ont renforcé, en juillet, la coopération avec la Libye déjà mise en place depuis mars. Cette décision a été prise sans consultation du Parlement européen nonobstant les dénonciations faîtes par les élu⋅e⋅s notamment celles et ceux du groupe « Les Verts-ALE » dès janvier 2017.
Emmanuel Macron parle aujourd’hui d’un « crime contre l’humanité » et demande une intervention du conseil de sécurité de l’ONU.
Cette émotion soudaine est surprenante notamment quand on se souvient de sa volonté de créer des « hotspots » en Libye en juillet dernier avec un but précis : limiter les demandes d’asile en Europe.
Le mot d’ordre est clair : les frontières priment sur les droits humains.
L’externalisation des responsabilités d’accueil des personnes en danger s’exerce non seulement au niveau de l’Union Européenne mais également au niveau national comme l’illustre l’exercice de la procédure dite « Dublin ».
Selon le règlement « Dublin III », une demande d’asile peut relever d’un autre état européen que celui dans lequel une personne a voulu la déposer. Dans ce cas, la personne demandeuse d’asile sera placé⋅e en procédure dite « Dublin » et pourra potentiellement être renvoyé⋅e vers un pays qui ne peut garantir le respect des droits fondamentaux.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) l’a souligné dans un arrêt du 21 janvier 2001 énonçant que la Grèce ne dispose pas d’un système d’asile efficace, c’est-à-dire que cet état ne peut assurer un accès à la procédure d’asile, des conditions d’accueil convenables pour les personnes demandeuses d’asile et des recours effectifs contre les violations des droits humains.
Le 28 février 2017, la CEDH a condamné la Hongrie en raison de détentions et expulsions de migrant⋅e⋅s par ses autorités contraires à la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Tandis que l’Allemagne a réagi en arrêtant de transférer les personnes en procédure Dublin vers ce pays, 765 accords de transferts ont été prononcés par la Hongrie à la demande de la France en 2016.
Pendant que Emmanuel Macron se revendique grand combattant en faveur des droits humains, son ministre Gérard Collomb s’est félicité d’une hausse de 124 % des transferts « Dublin » depuis le début de l’année.
Le projet de loi sur l’immigration continue dans ce sens puisqu’il a pour objectif « d’améliorer » ce taux notamment en ayant recours à la rétention administrative.
Priver des personnes de liberté pour ensuite les transférer dans un état bafouant leurs autres droits humains tel est l’ambitieux projet de notre gouvernement… A moins que l’Assemblée Nationale, capable de faire une standing ovation au député Max Mathiasin, ose faire barrage à celui-ci au nom de la défense des mêmes valeurs.