Manger des insectes, en voilà une idée ! En Europe, cette pratique n’a jamais fait partie de notre culture – ce qui explique probablement le peu d’envie que l’on peut éprouver lorsque l’idée est évoquée pour la première fois. A l’inverse, en Asie, Afrique et Amérique latine, des milliards de personnes consomment des insectes fréquemment.
Pourtant, depuis quelques années maintenant, l’idée fait son chemin sur le Vieux continent et en Occident plus généralement. En 2013, la très sérieuse organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en a d’ailleurs vanté les mérites. Ecologique, rentable et utile pour lutter contre la faim dans les pays en développement, sont les trois principaux arguments qui ont poussé la FAO à encourager « l’élevage d’insectes à grande échelle ». L’Union européenne a suivi cette voie en annonçant un investissement de 3 millions d’euros pour la recherche et la promotion de l’entomophagie, « petit nom » de la consommation d’insectes. Toujours pas convaincu-e ?
Il faut bien reconnaître qu’à part, peut-être, dans l’émission Koh Lanta, nous n’avons jamais l’occasion d’associer ces petites bêtes à nos repas. Nous n’en trouvons aucune trace dans les magasins ou les restaurants.
Alors, pour trouver les premières initiatives lancées dans ce domaine, il faut aller faire un tour sur la Toile (NB : remarquez que si vous allez faire un tour sur une toile, vous risquez aussi de trouver des insectes). Une petite recherche et on tombe tout de suite sur des sites de vente d’aliments à base d’insecte(s) : « grande barquette de grillons » à 15,90€, « barre de céréales aux insectes » à 5,10€, « fourmis déshydratées » à 8,50€, « punaise d’eau géante » à 5,90€, « scorpions comestibles » à 11,90€, « vers de palmiers » à 6,90€, des livres de recettes et le très tentant « pack découverte XXL » et sa « sucette surprise », le tout à 40€. Le site ( www.insectescomestibles.fr ) nous assure – même si nous aurions pu le deviner aisément – que par ces achats, nous allons « surprendre nos convives » !
Alors, bien avant d’imaginer qu’ils deviennent une des bases de notre alimentation, « produire » des insectes pose quand même des questions.
A l’heure où le modèle de production de viande très largement majoritaire dans nos sociétés « modernes », c’est-à-dire l’élevage intensif, commence tout juste à être remis en cause, se lancer dans l’élevage d’insectes à grand échelle ne déclenchera-t-il pas le même type de problèmes ?
L’espace requis serait certes beaucoup moins important et la pollution à ce niveau-là limitée. Cependant, les toutes aussi importantes questions liées à la santé publique, et au mode de production (antibiotiques ?) – qui cherche à produire toujours plus, toujours plus vite – se poseront très rapidement.
Un autre point important ne peut également pas être évité ici, la condition animale. Là, j’en vois déjà venir certain-e-s, alors j’anticipe : « Quoi ? Tu te préoccupes de la vie d’un ver/criquet/grillon [entoure la réponse de ton choix] ? », « Mais, la fourmi/punaise/chenille [entoure la réponse de ton choix], elle ne sent rien quand on la tue ! ». Alors, à part pour celles et ceux qui pensent qu’un être, parce que plus petit, mérite moins de considération – et auquel cas, je serais obligé de vous laisser là –, la réflexion mérite d’être posée sur la table. Doit-on initier un massacre d’insectes à grande échelle alors que de multiples réflexions autour de la dignité animale fleurissent en ce début de siècle ?
On ne le répètera jamais assez, mais nourrir 9 milliards d’être humains en 2030 – et même aujourd’hui –, ce serait possible. Avec du courage et de l’intelligence bien sûr, c’est-à-dire en passant à un modèle agro-écologique et en développant une réelle politique de réduction des gaspillages alimentaires. Le sujet serait à développer bien plus largement, mais ce n’est pas l’objet de cet article.
En conclusion, je pense que si les enjeux écologiques et économiques méritent d’être retenus, il serait tout à fait justifié que ces investissements aient lieu dans les pays où, culturellement, l’entomophagie est une pratique déjà ancienne, les pays en développement. Mais réussir cette révolution culturelle « à grande échelle » en Europe semble difficile à envisager.
Et pour te récompenser d’être arrivé-e jusque là, voici un cadeau, pour toi. Surtout ne me remercie pas :
« Comment fait-on de la farine à partir d’insectes?
Les insectes sont attrapés, lavés et épuisés.
Ils sont séchés et placés dans un sac congélation étanche afin d’être tués humainement.
Chaque insecte est de nouveau nettoyé et séché dans un four.
Ils peuvent être moulus jusqu’à ce qu’ils aient la consistance d’un germe de blé. »