Du 30 novembre au 11 décembre a lieu au Bourget, en Seine-Saint-Denis la COP21. Les 7000 représentants des 196 signataires de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique se réunissent afin de mettre sur pied un accord universel de lutte contre le changement climatique. Cinq jeunes écologistes ont réussi à se faufiler à l’intérieur du centre de conférence. Chaque soir, ils racontent à la Souris Verte leur journée #insideCOP.
Retrouvez ici les récits des jours précédents.
Nous retrouvons aujourd’hui Raphaëlle, coordinatrice de la délégation des Jeunes Ecologistes, pour la seconde fois.
SV : Bonjour Raphaëlle ! Merci d’être avec nous pour ce quatrième jour #InsideCOP. Aujourd’hui tu as souhaité nous parler d’un des groupes de travail auquel tu participes, le groupe de travail sur les objectifs à long-terme. Peux-tu commencer par nous expliquer ce qu’est ce groupe de travail et qui il réunit ?
Raphaëlle : Les différents groupes de travail rassemblent des observateurs YOUNGO [organisations de jeunesse] qui se répartissent par sujet. Les groupes de travail peuvent être créés pour travailler sur chacun des articles du projet d’accord sur lequel travaillent les états, dès que des observateurs jeunes souhaitent travailler sur cette thématique. Le groupe de travail sur les objectifs à long-terme rassemble notamment des Jeunes Verts Européens, des membres de délégations américaines, canadiennes, une ONG qui travaille spécifiquement sur cette question et moi.
SV : C’est à dire qu’il y a un article dans l’accord de Paris qui s’appelle « Les objectifs à long terme » ?
Raphaëlle : il ne s’appelle pas comme ça mais en effet l’article 3 du projet d’accord traite des objectifs à long terme.
SV : Que dit cet article pour l’instant et qu’aimeriez vous qu’il dise ?
Raphaëlle : Pour l’instant, le projet d’accord de Paris dit tout, c’est à dire qu’il contient toutes les hypothèses de formulation entre lesquelles les parties [les états] doivent choisir. En ce moment, les parties cherchent à dégrossir le texte en se mettant d’accord entre les différentes formulations. Dans la version actuelle du texte que j’ai sous les yeux, il y a actuellement pour la partie 1, l’option A, l’option B, l’option C, l’option D et l’option E. Et sous chacune des options, il y a plusieurs textes entre crochets pour choisir la formulation mot par mot. C’est un fonctionnement par tiroir qui permet de préciser progressivement et de faire des choix entre les différentes options possibles. Et comme si c’était déjà simple, les parties ont la possibilité de rajouter encore du texte pour compléter ce qui a déjà été proposé. L’objectif, d’ici samedi, est d’avoir supprimer tous les textes entre crochets pour n’avoir plus qu’un seul texte en un seul bloc.
SV : Et donc, votre objectif est de faire en sorte que les parties choisissent une formulation plutôt qu’une autre ?
Raphaëlle : Exactement.
SV : Quels sont donc les objectifs à long terme que vous défendez ?
Raphaëlle : L’objectif que l’on met en avant est double. C’est d’abord celui des 1,5°C de réchauffement en 2100. C’est ensuite la condition sine qua non pour que cet objectif soit atteint, l’objecitf zéro carbone en 2050, ne plus utiliser d’énergies fossiles du tout en 2050. Cette proposition est d’ores et déjà soutenue par les 43 pays du forum des pays vulnérables. Ils se sont engagé à respecter l’objectif du 1,5°C et donc à atteindre le zéro carbone en 2050.
SV : Que défendent donc les 150 autre pays ? L’objectif des 2°C dont on entend souvent parler, c’est ça ?
Raphaëlle : Pas forcément, il y en a qui ne défendent même pas le 2°C, qui ne veulent même pas qu’on parle de ce genre d’objectifs. Le débat porte surtout sur l’objectif zéro carbone et de nombreux pays font pression pour que la date limite soit, non pas en 2050, mais en 2070, en 2080, etc. D’autres ne veulent même pas entendre parler d’une date limite. Enfin, certains ont une autre proposition qui serait, non pas d’arriver à l’objectif zéro carbone, mais à zéro carbone net. La nuance est importante car le zéro carbone consiste à ne plus rejeter de CO2 du tout, alors que l’objectif zéro carbone net permet de continuer à en rejeter à condition d’en recapter avec des techniques qui sont aujourd’hui assez floues. C’est sur cela qu’on se bat et c’est quelque chose qui pourrait se concrétiser dans l’accord de Paris parce que plusieurs pays comme les USA sont plutôt favorables à un objectif zéro carbone.
SV : Connais-tu la position de la France sur ce sujet ?
Raphaëlle : La France et les USA poussent à l’ambition dans cet accord car Obama, Fabius et Hollande veulent en faire une sorte d’instant de grâce de leurs mandats. Sans vouloir trop m’avancer, je ne crois pas qu’elle y soit opposée. Mais c’est assez difficile de connaître la position de la France car elle joue avant tout un rôle de médiateur pendant la COP21. Elle s’exprime soit en tant que présidence de la COP et essaye d’être neutre, soit en tant que membre de l’Union Européenne et la position de l’UE est assez partagée. L’UE serait plutôt favorable à un objectif qui serait entre 80% et 95% de « décarbonation » en 2050, pas 100%.
SV : Votre objectif est de faire inscrire cet objectif dès l’accord de Paris ou s’agit-il d’un travail de long-terme pour le faire inscrire dans un prochain accord ?
Raphaëlle : Notre objectif est de l’inclure dans le texte de Paris. Mais effectivement, on agit aussi sur les processus de révision En effet, les parties négocient d’une part le texte de l’accord de Paris et d’autre part un texte qui s’appelle le texte de décision et qui concerne les mécanismes qui vont permettre de faire appliquer l’accord et, le cas échant, de réviser l’accord. Le premier texte ne va pas beaucoup évoluer mais ce qui évolue beaucoup, c’est ce second texte qui sert à faire appliquer l’accord de Paris.
Mais en attendant, on se concentre sur l’accord de Paris, pour faire en sorte qu’il soit le plus ambitieux possible et qu’il inclue ce double objectif à long terme. La mobilisation des états autour de cette COP est assez exceptionnelle et c’est donc une vraie opportunité à saisir.
SV : Hier, Lucile nous parlait de la difficulté à accéder aux réunions, à avoir accès aux informations et, j’imagine, à faire pression sur les délégations. Quels sont donc vos moyens pour agir ?
Raphaëlle : ça se passe vraiment au cas par cas, en fonction des pays, selon les contacts que l’on peut avoir avec les délégations. Certains ont de bonnes relations avec des membres de délégations nationales. C’est donc plus facile avec certains pays que d’autres. Aujourd’hui, les YOUNGO sont allés démarcher les pays un par un et nous leur avons proposé d’afficher leur engagement en affichant sur leur pupitre, lors des négociations, le fait qu’ils sont en faveur de la survie du plus grand nombre de personnes et que donc, ils ont pour le 1,5°C. Ça leur permet de se distinguer des autres, de mettre en avant les bons élèves en leur permettant d’afficher leur position.
On peut aussi faire pression par l’extérieur, via des actions, les médias, la communication mais c’est assez difficile. La société civile a encore plus difficilement accès aux réunions ou aux décideurs que lors des COP précédentes. Dès qu’il y a une négociation importante, on est tenu à l’extérieur. On ne peut même pas par exemple assister aux conférences de presse qui seraient pourtant un bon endroit pour interpeller les dirigeants et les mettre devant leurs responsabilités.
SV : Merci beaucoup Raphaëlle et à très bientôt !
Quand @InsideCOP arrive à la @cop21 #infiltré #onestlà pic.twitter.com/a0IoT3s4mh
— InsideCOP (@InsideCOP) 3 Décembre 2015